La musique, art du partage de la confiance...

 Mes parents m’ont inscrite au solfège en CP.

Je ne me rappelle pas avoir demandé à faire de la musique.
Je ne me rappelle pas qu’on m’ait laissé le choix.

Aucun de mes parents ne jouait de la musique.
J’ai compris bien plus tard qu’ils avaient souhaité régler cette lacune qui leur était propre à travers mon frère et moi.

En CE1, il a fallu choisir un instrument.
J’étais déjà attirée par le piano, mais étrangement, je me souviens avoir ressenti que cet instrument était alors bien trop impressionnant, trop noble pour moi.
Mon choix s’est alors porté vers un instrument bien plus modeste.
La flûte traversière.
Et là a commencé le cycle classique des enfants, puis ados musiciens : les cours de solfège, de flûte, l’harmonie, la pratique quotidienne, les répétitions, les auditions, la classe musique au collège, et même l’épreuve musique au bac.

Je détestais le solfège.
Je ne comprenais rien.
On m’obligeait à apprendre les clés de Fa et d’Ut quand je n’avais besoin que de la clé de Sol pour lire mes partitions de flûte.
Les transpositions m’ulcéraient.
Avec mon amie Aurèle, le mercredi après-midi, nous faisions même traîner le trajet badminton/solfège pour arriver en retard.
Pourtant, même si ça me saoûlait, il ne m’était jamais venu à l’esprit d’arrêter la musique, je m’étais imprégnée du fait que ce n’était pas concevable pour mes parents.
A chaque visite à mes grands-parents en Haute-Loire, flûte et saxophone étaient dans le coffre pour une audition privée de la fratrie Aulagnon.

Au collège, j’ai découvert ce que c’était de jouer en groupe, autre qu’en harmonie « classique ».
Du Sting, du Goldman…
Une révélation.

Une étincelle s’est allumée, et a commencé à croître en moi.
Je voulais chanter.

Mais comment s’accompagner quand on joue de la flûte ?

La solution est venue de ma cousine, musicienne également.
J’avais remarqué ces lettres sur les partitions fournies par notre prof de musique.
Anne-Laure m’a alors expliqué les accords américains, mon oreille a fait le reste.

A 12 ans, mes parents m’ont offert mon nouveau meilleur ami : un synthétiseur.
Un nouveau monde s’est alors révélé à moi.
Je passais des heures dans ma chambre à remixer les chansons travaillées au collège (ah « Titanic » version techno…)…

En 3ème, j’ai osé.
J’ai demandé à troquer ma flûte pour un micro.
Mes 1er pas de chanteuse.

Même si le concert de fin d’année a laissé davantage comme souvenir mon visage bouffi par la cortisone en raison des allergies que ma voix, il restera la première fois où j’ai osé chanter en public.

Avant bien longtemps.

Lycée : les garçons, le sport, le cheval, les études.
Plus de musique hormis la radio pour aller en cours ou pour danser en boîte.
Je ne chantais plus, même plus dans la voiture.
Le synthé ne marchait plus, la flûte était rangée chez mes parents.
La musique s’est mise en veille.

Ce n’est que bien plus tard, lors de mon emménagement dans ma grande maison que je l’ai vue : la place dévolue à un piano.
Le vieux piano électrique familial a donc débarqué de Genas à Villemoirieu et a fait réintégrer la musique dans ma vie.
Peu à peu, je me suis mise à rejouer.
Un jour, j’ai rechanté.
J’ai tout ressenti à nouveau : les vibrations de mes cordes vocales, les émotions en moi.
Mon classeur de chansons du collège est alors ressorti de sa tanière.
Puis a été enrichi de nouvelles chansons.

Un jour, le piano noir ne s’est plus allumé.
Panique en moi.
J’ai immédiatement compris combien jouer et chanter était devenu vital.
Le lendemain nous allions chercher mon nouvel ami.
Blanc.

Je n’osais toujours pas faire sortir ma voix de mon salon.
Je trouvais mon niveau au piano ridicule et ma voix ordinaire.

C’est par l’intermédiaire d’un homme, qui avait lui aussi délaissé sa guitare et avait pu regoûter à l’alchimie musicale à travers notre passion amoureuse, que mes peurs ont commencé à s’envoler.

« Ta voix est pleine d’émotions, il ne te manque que la confiance en ce que je te dis ».

Je lui faisais confiance.

Ma voix s’est peu à peu affirmée, et un jour j’ai osé chanter devant mes filles.
C’est Anaëlle, qui après avoir vu une vidéo que je lui avais envoyée et sur laquelle j’interprétais « Otherside », qui m’a incitée fortement à la poster sur les réseaux sociaux.
Je l’ai écoutée.
J’étais mortifiée de me montrer à nu.
Chanter, pour moi, c’est se foutre à poil.
Mais je lui ai fait confiance.

J’ai été surprise par les retours que j’ai eus.
Aucune moquerie, aucun jugement négatif.
Des encouragements, des compliments…

Alors j’ai continué.

Un jour j’ai vu une annonce : un groupe débutant cherchait une chanteuse.
J’étais décidée à dépasser mes peurs.
Et à avoir confiance.

A partir de là, tout s’est enchaîné : les répétitions, les 1ers concerts, les rencontres, l’intégration dans le milieu de la musique, le travail vocal, la fin du groupe, les répétitions avec un autre guitariste, les Jams, les premières compositions…
La musique avait réintégré ma vie.
Elle me faisait vibrer à nouveau.
Je me faisais confiance.

Il y a quelques mois, quand ma vie a pris un tournant inattendu, la musique m’a quittée.
Mon corps et mon esprit avaient choisi de s’en séparer.
Il fallait que je ressente ce manque, ce vide.
Je n’écoutais plus de musique.
Mon piano est resté silencieux.
Je n’avais plus de mélodie dans la tête.
Je n’avais plus personne avec qui j'avais envie de partager mon amour de la musique.
Je n’avais plus confiance en rien ni personne.

La mort de cette partie de moi était nécessaire.

L’étincelle a rejailli, d’abord timidement, en reposant quelques notes sur le piano, pour la rééducation post rupture de tendon du majeur.
Ma voix a commencé à revenir également.
Quelques vidéos postées.
Puis l’envie de repartager ces moments a réapparu.
Je suis allée aux Jams à nouveau.
Et ressenti cette alchimie que seuls le partage de la scène et la création collective permettent.

Aujourd’hui, mon piano est redevenu actif, ma voix est travaillée de nouveau, le nombre d’instruments dans mon salon s’agrandit, et la musique me fait rencontrer chaque jour de belles personnes.

J’ai retrouvé l’excitation de découvrir et faire découvrir de nouveaux morceaux à arranger avec mes compères musiciens, la joie de nous retrouver pour partager fausses notes et moments de fusion musicale, le bonheur de la créativité collective, et l’intimité des moments off pré et post-répétitions, ceux où l’on se livre, où l’art se révèle connecteur d’âmes.

 Si l’écriture m’apporte l’introspection indispensable à mes remises en question et mon évolution personnelle, la musique m’apporte assurément l’extériorisation de cette même évolution, et toute la connexion à l’autre, celle qui sait créer des ponts entre les êtres.

Alors merci à mes 2 acolytes musiciens, qui auront réussi, par leur existence et via ce texte, à me faire lier mes 2 arts.
Et à avoir de nouveau confiance.

 

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