Je suis allée à la messe

 𝐉𝐞 𝐬𝐮𝐢𝐬 𝐚𝐥𝐥𝐞́𝐞 𝐚̀ 𝐥𝐚 𝐦𝐞𝐬𝐬𝐞


Oui m’sieurs dames.
Je suis allée à la messe.
Mais que s’est-il passé Aurélie ?

Petit flash-back perso.
Je suis issue d’une famille aux origines catholiques.
J’ai subi le caté, ai fait ma 1ère communion et ai suivi ma mère lors de quelques messes. Les seules qui ne me faisaient alors pas bailler étaient les messes de Noël, celles où on retrouvait chaque année les anciens du caté, l’occasion de voir au fil des ans les enfants s’ajouter et les rides apparaître.

Je n’y allais qu’avec ma mère.
Pas mon père.
Mon père avait un compte personnel à régler avec la religion. Une histoire qu’aujourd’hui je comprends et accepte.
Les seules fois où il avait accepté de rentrer dans une église ont été pour mon mariage et les baptêmes de ses petites-filles.
Parce que oui, j’avais fait alors perdurer la tradition catho sans me poser de questions.
J’étais catholique parce qu’on m’avait dit que je l’étais.

Puis il y a eu Eden.
Eden, c’était ma chienne, mon amie, ma confidente, celle qui m’a relevée après mon divorce.
Eden, elle a été mordue par une vipère et est morte après quelques semaines d’agonie.
ça a été une douleur immense pour toute la famille.
Un truc s’est alors fissuré en moi.
S’il existait vraiment un dieu quelque part, comment pouvait-il permettre de faire disparaître un être aussi pur et aimant dans des circonstances aussi souffrantes ?
Et quelle ironie, un être s’appelant Eden, mordue par un serpent…
A partir de ce jour-là, j’ai envoyé valser toutes les religions.
Et même toute idée de spiritualité.
Nous naissons pour mourir.
Point.

Puis le temps a passé.
J’ai débuté un chemin d’éveil qui n’a strictement rien à voir avec la religion.
Un chemin personnel de questionnement.
J’ai été, par la force des choses et par les évènements de la vie, poussée à remettre en causes dogmes et croyances dans divers domaines : liens affectifs, transmissions familiales, clichés sociétaux…
J’ai compris que j’étais là pour déconstruire ce qui était alors pris pour acquis et faire une mise à jour en mettant en miroir les faits réels et les illusions aussi personnelles que sociétales.

Et apparemment était venu le temps qu’on me mette le nez dans la question religieuse.
Jusque-là, j’avais rallié la cause de Papa, en évitant toute cérémonie religieuse ou en mettant fin rapidement à toute discussion en ce sens, en y apposant les mots « sectes » ou « manipulation ». Avec une incohérence de taille puisque j’avais l’habitude de me foutre de la tronche de Papa, le « champion olympique de la mauvaise foi ».
Ah ben ma cocotte, balaie devant ta porte d’abord.

Mais alors qu’est-ce qui a fait que je me suis pointée à la messe à Crémieu un beau dimanche ?

Et bien comme tout : une rencontre point de départ.

Un mercredi matin, après l’enregistrement d’un podcast avec Isabelle, la maire de Crémieu, nous sommes posées devant la mairie, dehors, au soleil.
Arrive un homme, qu’une rapide analyse physique, verbale et non verbale, me permet d’identifier comme curé (bon, c’était pas difficile, il avait une croix autour du cou et une bible à la main, manquait que la soutane pour parfaire le cliché)
Habillé d’un sourire lumineux, il s’arrête à notre hauteur, regarde le ciel, puis nous, et nous sort un truc du genre « Mesdames, vous êtes en plein dans la lumière divine ! » J’adore.
Je suis fan.
Je réponds : « Mais oui, c’est l’illumination ! »
Et il repart en rigolant.

Sur le chemin du retour à la maison, je me dis que c’est ce genre de curé qui me donnerait presque envie d’aller à la messe.
Je ne le sais pas, mais le mode « pensée créatrice » est en cours de mise en route.
Le lendemain matin, mon ami Loïc débarque à la maison pour 4 jours.
Pas de programme précis, juste envie de passer du temps tous ensemble.
Je lui raconte ma rencontre, ça le fait sourire, et il me sort « ben écoute si tu veux aller à la messe dimanche, why not, je suis pas pratiquant mais j’adore l’architecture des églises ».
Hop, le plan divin commence à se mettre en place en douce.
Sur le moment, je lui dis « oui oui ».
Mais en moi, y’a quand même un warning : « non mais tu vas pas aller à la messe à Crémieu ? On va te voir ? Que vont penser les gens ? Et puis on va venir te parler, faudra te justifier… »
Sans fermer la porte pour autant, je me retranche donc derrière un « faut que je regarde si la messe est à Crémieu » et « on verra selon le programme du week-end, hein ».
Mais c’était sans compter l’Univers et ses facéties.

Le lendemain, nous vadrouillons dans les rues crémolanes avec Loïc et Mélia, quand j’aperçois Laure sur le trottoir d’en face.
Laure, que je n’ai pas vue depuis des plombes.
Laure, qui est une ancienne collègue.
Laure, qui fait partie de la paroisse.
Ok, ok, Univers, j’ai compris ton signe en mode gyrophare. Si je ne fais rien, c’est que je fuis. Et non, aujourd’hui, je ne fuis plus les trucs que j’ai à régler. Sinon, c’est un truc encore plus gros qui va se pointer pour me le remettre bien devant les yeux, et j’ai pas envie qu’une procession paroissiale débarque dans ma cuisine.
Je traverse donc la rue, je chope Laure et lui dis que j’ai une espèce d’appel à la Foi depuis quelques temps, que j’ai un truc à régler avec Dieu, que j’ai rencontré un curé hyper sympa et que je crois qu’il est temps que passe les portes de l’église de Crémieu.
Son sourire immédiat me dit que je suis sur le bon chemin : « Rhooo, c’est top, ça ! La messe est à 10H dimanche. J’espère que tu trouveras les réponses que tu cherches ! »

Ok, me restait intérieurement plus qu’une excuse, celle du programme du week-end qui nous aurait poussés Loïc et moi à faire autre chose.
Excuse bidon, puisque c’était un week-end pépouze, chill, sans envie de bouger la voiture.

Et le dimanche matin arrive.
Il fait beau.
Donc un café en terrasse et go pour la messe.
Aucune excuse n’est plus valable.
Je décide donc de vivre le truc à fond.

Première impression : tout le monde s’en tape que je sois là. Je reconnais évidemment plusieurs personnes, je suis étonnée de la présence de certaines, pas du tout pour d’autres. Je suis agréablement surprise du brassage intergénérationnel que je constate. Je suis impressionnée de voir que l’église est pleine.
Les réflexes, prières, reviennent vite.
Je me sens autorisée à en prononcer quelques-unes, tout en restant silencieuses pour d’autres qui me parlent moins.
Le sermon du curé m’interpelle et me fait sourire. Il est question de trahison et de pardon, pile poil le sujet que je traitais en moi à ce moment-là.
Mon côté féministe refait surface quand il s’agit des textes avec uniquement des personnages masculins, sujet que nous aborderons par la suite lors du débriefing avec Loïc.
Et j’en avais entendu parler, mais ne l’avais jamais constaté : l’Eglise est au top de la technologie, avec la possibilité de contribuer à la quête par CB.

A la fin de la messe, c’est légère que je ressors.
Non pas parce que j’ai été touchée par la grâce divine, mais parce que j’avais dépassé une peur que je m’étais créée toute seule comme une grande. Comme toutes nos peurs, hein .

Aujourd’hui, après plusieurs semaines, j’ai un recul sur mon expérience :

- J’ai dépassé le schéma paternel. La mauvaise foi de papa lui appartenait, en lien avec sa propre histoire, son propre vécu. Rien à voir avec moi.
- J’ai adoré voir ces générations rassemblées, ces belles pensées collectives, cet égrégore positif en un même lieu et même temps. Le parallèle qui me viendrait là toussuite en mode laïc, ce serait les conscrits. Mais y’en a pas (encore) à Crémieu (appel du pied au collectifête qui se met doucement en place…)
- Y’a quand même un gros côté patriarcal des textes. Mais j’ai décidé d’entendre les messages d’amour et de partage qui sont en filigrane derrière, transcrits dans un contexte historique de déséquilibre dans les rapports hommes/femmes. Même si ça me fait encore grincer des dents, je suis un peu plus tolérante.
- Je n’y suis pas retournée. J’avais déjà en tête que personnellement, je n’ai pas besoin de temps collectifs dédiés pour me connecter à ma Foi. Foi qui est pour moi complètement indépendante de la pratique religieuse. En ce qui me concerne, cela revient simplement d’avoir confiance en soi et en la vie. Mais j’entends tout à fait que certaines personnes aient besoin du coup de pied au cul collectif pour être poussé au cheminement personnel. C’est même parfois nécessaire, et c’est là le beau rôle du collectif quand cela va dans le sens d’une évolution ascendante.
- ça m’a donné envie, en tant que nouvelle membre du « comité des fêtes » de Crémieu (je milite pour le terme « collectifête », passion création de mots), de proposer un évènement commun autour d’une fête païenne qui aurait été reprise par l’Eglise (comme la plupart des fêtes me diriez-vous), comme la Saint-Jean par exemple. Encore et toujours ma mission de croiser les regards, de faire se rencontrer les gens pour évoluer ensemble.
- ce n’était pas le curé que j’avais rencontré qui avait animé la messe. Pour autant, ce n’était pas là l’important. L’homme que j’ai croisé fugacement ce fameux mercredi n’a été que le déclencheur.
Un curé croisé en présence de la maire.
Un clin d’œil parfait à Papa, si fan de Fernandel et des railleries entre Don Camillo et Peppone.

Déso, mais plus déso papa, moi je vais à la messe et je bois des coups avec la maire.




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