L'absence engendre le fantasme, la présence crée l'alchimie
Je l’ai vue pleurer à la lecture d’un de mes textes.
La journée a continué, nous avons fait ce que nous avions à faire ensemble ce jour-là, mais il y a quelque chose qui s’est réveillé en moi à ce moment-là.
J’ai vu quelque chose qui était sous mes yeux mais que je venais de découvrir.
De mes deux parents, ma mère a le terrible désavantage d’être en vie et en bonne santé.
Mon élan d’écriture s’étant manifesté après la mort de mon père, c’est à travers ce dernier et dans son absence que se sont nourris bon nombre de mes textes.
Mais jamais je n’avais écrit sur ma mère.
Pas besoin, apparemment, puisqu’elle est encore là.
Ce constat me fige.
Il a fallu que je voie ma maman exprimer une émotion à mon égard pour que je la voie enfin.
J’ai constaté sa présence.
Et au-delà de la sienne, j’ai constaté ma propre présence à moi dans cette relation.
Mes parents ont toujours été là pour mon frère et moi.
Ils se complétaient parfaitement dans leurs rôles, ils ont coché toutes les cases de leur contrat sociétal et parental.
Mes parents étaient mes parents, point.
Ils faisaient ce qu’ils devaient faire.
Jamais je n’avais eu besoin de chercher plus loin, ayant vécu l’enfance et l’adolescence idéales aux yeux de la société.
Puis papa est mort.
Et là, j’ai découvert l’absence. Et les émotions jamais exprimées. J’ai pu dire à mon père que je l’aimais uniquement après sa disparition. Un canal émotionnel venait de s’ouvrir chez moi, je ne le savais pas encore : le pouvoir d’aimer dans l’absence.
Mais ma mère, elle jouait toujours son rôle de mère pendant ce temps-là. Mieux que jamais. Un roc, un chêne, une stabilité incroyable. Elle a même poursuivi le rôle sociétal et parental en prenant le relai auprès des petits-enfants, retraite en poche.
En parallèle, mon parcours d’éveil se poursuivait tranquillement, par les deux rencontres charnières qui peu à peu m’ont sortie de mon mode veille.
Ma vision de la vie, sur le monde qui m’entoure, sur les croyances sociétales, sur les œillères qu’on se pose nous-même ou qu’on pose à nos enfants…je commençais à tout voir différemment, sans filtres.
Puis c’est mon regard sur les personnes qui a commencé à changer récemment. Voir à travers leurs masques, leurs peurs. Les accepter tels qu’ils sont et ne plus prendre pour moi leurs réactions. Parce que je commençais également à m’accepter telle que je suis, avec tous mes travers et toutes mes forces.
Aujourd’hui, je suis dans la réalité, dans le vrai.
J’ai compris que tout ce dont nous avons besoin pour avancer était déjà là, autour de nous.
Tout ce qui n’existe pas n’est que fantasme.
C’est un refuge autant qu’une fuite.
Et tout ce qui existe est un trésor.
Rien ne peut être créé dans le fantasme, l’alchimie créatrice ne peut exister que dans la réalité.
Ma mère existe.
Depuis plusieurs mois, nous cheminons ensemble en conscience.
Nous partageons nos parcours de vie, et nous nous rejoignons.
Avant, je voyais ma mère parce que c’était ma mère. Par obligation. Un statut. En état de fait.
Aujourd’hui, je réalise que je vois ma mère parce que j’en ai envie, parce que j’aime partager nos états d’âmes, j’aime le miroir qu’elle me renvoie (qu’il me pique ou qu’il me réjouisse !), j’aime ne plus voir le temps passer quand je suis en sa présence, j’aime partager la simplicité de nos quotidiens.
Jusqu’à il y a peu de temps, Michèle était ma mère.
Aujourd’hui, Michèle n’est pas que ma mère.
Aujourd’hui, elle est à mes yeux une femme dans toute la beauté de son être, dans toute sa vulnérabilité.
Je peux le voir parce qu’enfin nous nous autorisons toutes les deux à exprimer nos émotions l’une envers l’autre.
Nous sommes sorties de la croyance, nous sommes entrées dans la présence.
Et aujourd’hui, je constate que nous créons ensemble.
Jamais je n’aurais pu imaginer cela il y a quelques années, étant donnés nos caractères forts.
2 polarités Yang : l’action, la réaction, la proaction. Bref, l’explosion quand nous étions ensemble.
Impossible de créer quoi que ce soit.
Son chemin d’éveil a débuté avant le mien. Ce que je jugeais alors comme une lubie -voyages annuels en Inde, Yoga quotidien, retraites de jeûne- m’apparaît aujourd’hui bien différemment.
Je n’étais alors pas réceptive à ses savoirs, qu’elle gardait alors précieusement pour le bon moment.
Le moment est venu, et nous partageons désormais nos compréhensions du monde, à travers mes expériences spirituelles et les enseignements qu’elle a reçus et reçoit encore.
D’ailleurs tout se rejoint aujourd’hui, il n’est pas rare qu’une compréhension que j’acquiers croise sa méditation indienne du jour…
Nous avons équilibré nos polarités, nous avons intégré du Yin en nous, de l’émotionnel, du spirituel, de la sensibilité, et de la patience. Beaucoup de patience.
Nos complétudes se rejoignent.
Et se complètent.
Le Tao mère/fille est en cours de réalisation.
L’absence engendre le fantasme.
La présence crée l’alchimie.
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