Ôde à cette rue

Crémieu, début juin 2024

Une tente apparaît en plein milieu d’une rue fréquentée.
Du monde dehors, apparemment tous de la même famille.
Pas de joie, pas de rires.
Des larmes.
Une famille crémolane en deuil.
La matriarche s’en est allée.

Au même moment, un post sur le fameux groupe Facebook de la cité.
L’annonce du décès de cette petite dame que je croisais parfois.
Cette dame d’origine maghrébine au parcours extraordinaire que je découvre au fil de ma lecture du post.
Et des commentaires. Beaucoup de commentaires.
Des crémolans. Certains la connaissaient, d’autres non.
Et à travers ces témoignages d’affection, de condoléances, c’est tout un village qui entoure cette famille d’amour dans cette période douloureuse.
La tente reste plusieurs jours, obligeant voitures à changer d’itinéraire et piétons à naviguer entre les bancs et les nombreux proches de la défunte.
Je n’entends personne s’en plaindre.
C’est juste normal.

Crémieu, 21 juin 2024

Dans cette même rue, quelques mètres plus loin.
Des enceintes, une batterie, des guitares électriques, un punk à crête et des bières sont en place.
C’est la fête de la musique à Crémieu.
Pour la première fois, un concert de punk-rock a lieu dans cette rue.
Les orages menacent.
Pourtant la décision de jouer dehors s’impose.
Le premier musicien ouvre le bal, et ses notes se diffusent dans les ruelles médiévales.
Les premiers curieux s’aventurent dans cette rue parallèle à la rue principale.
Ils restent, et sont rejoints par d’autres personnes attirées par la musique.

 Changement de plateau, le groupe de punk-rock s’installe.
Les nuages commencent à charger le ciel.
Le premier morceau déchire le silence.
Le public afflue.
ça danse, ça filme, ça sourit.
Un courant d’air frais parcourt la rue, le ciel est encore hésitant.
Mais les sourires sont sur tous les visages.
Le groupe donne tout, les musiciens se régalent, heureux de partager ce moment avec un nouveau public.
Des têtes connues, des visages nouveaux, des poussettes, des déambulateurs, des jeunes, des moins jeunes.
Dans les villages alentours, c’est le déluge.
Pourtant, aucune goutte ne tombe ici.
Le ciel a décidé de ne pas rompre la magie de l’instant, celle qui enveloppe les présents dans l’amour de la musique.


20 mètres et quelques jours ont séparé la douleur de la joie dans cette rue.

Ils sont à l’image des liens qui unissent ceux qui en arpentent les pavés, sans même le savoir, sans même parfois se connaître.

Dans cette rue, on s’en fout de la couleur de la peau, de la langue parlée, du nombre de rides, de la somme sur le compte en banque.
Il n’y a que des humains.

Alors en cette période où certains choisissent de cloisonner les humains par catégories, de les hiérarchiser, puis de les en punir, il est bon de se rappeler l’essentiel : la vie, elle est dans la rue.
Pas dans la bouche de ceux qui ne l’ont jamais parcourue.



 

Commentaires

  1. Magnifique et très touchant

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  2. Tes mots sont toujours aussi magnifiques et empreints de tellement d’humanité. C’est bon de te lire 🙏🤍🙏

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