Chasse. Ah ? Cours !

 

Je suis cavalière.
Ceux qui connaissent le milieu de l’équitation savent qu’il existe une myriade de manière d’être cavalière.
Chaque discipline est singulière.

Ma discipline à moi, c’est l’absence de discipline.
J’ai quasiment tout testé. Seul le ski-joëring me manque. Mais ce n’est pas faute d’avoir voulu, j’avais fabriqué un harnais armé de bambous du jardin pour mon cobaye-Young. Mais le réchauffement climatique (enfin le capitalisme) avait déjà décidé de me priver de neige.

Toute cette introduction pour dire qu’il a fallu que je passe par un essai de tout pour comprendre que ce que j’aimais dans le cheval, c’était justement le rien.
Rien à sauter, rien à attraper, rien à poursuivre…
Du moins rien de manière artificielle.

Et pourtant, il m’arrive de sauter des troncs d’arbres, d’éviter des branches basses au galop, de faire des demi-tours impromptus, d’attraper au vol une gourde envoyée par une copine, d’ouvrir une barrière à cheval.
Mais pour de vrai.
Dans la nature.
De manière naturelle, quoi.

Donc moi, ce que j’aime, c’est, pardonnez-moi ce cliché, la communion avec la nature.
C’est profiter d’être centaure d’un instant pour que les autres animaux nous laissent entrer dans leur univers.
Galoper avec des biches.
Se faire surprendre par un sanglier.
Assister aux émois d’un couple d’écureuils.
Pouvoir suivre le cueilleur de champignon en toute discrétion et noter le point GPS du lieu à trompettes de la mort en douce (oui, oui, je vous accorde que ce raccourci est un peu rapide mais vous avez saisi l’idée).

Bref, j’aime la cape d’invisibilité, ou la carte d’adhérent au club nature que m’accorde mon cheval.

Alors quand je pars un dimanche matin d’octobre, sous un soleil resplendissant, sous les gazouillis des oiseaux, mon chien en éclaireur, et qu’un PAN à quelques mètres de moi nous fait bondir simultanément tous les trois, c’est toute cette magie qui s’écroule.

En quelques minutes, l’invisible et le silencieux doit devenir voyant et audible.
Je dois m’équiper de ma splendide chasuble jaune fluo.
Pumpy doit se coltiner sa cloche.
Et il m’arrive même de chanter ou de tailler la bavette bien fort avec mon cheval pour multiplier les chances de ne pas finir en civet.

Alors la chasse, au-delà du fait que j’ai du mal à accepter de me déguiser en gyrophare et mon chien en vache pour que des êtres vivants puissent en tuer des autres pépouzes sans nous tirer comme des lapins, a le don terrible de me couper à mon moyen d’ancrage, mon petit moment méditatif, mon anti-dépresseur naturel, et ça, j’aime pas du tout.

Quand je lis aujourd’hui que la chasse est désormais associée à une pratique cruelle pour 70% des Français, une proportion quasi-identique parmi les urbains et les ruraux, je me dis qu’il est peut-être temps d’actualiser les pratiques.

Je propose donc que nous créions des parcs pour chasseurs.
Un parc ouvert au public.
Les chasseurs seront dans des enclos, dans lesquels serait reconstitué l’état sauvage du chasseur (je vous assure que je me censure pour ne pas détailler le sketch des Inconnus sur le bon ou le mauvais chasseur mais le cœur y est).
Et de temps en temps, les visiteurs leur jetteraient soit des animaux déjà morts pour que le chasseur puisse continuer à pratiquer le dépeçage, soit des punaises de lit pour gérer la régulation de l’espèce.

Ok, j’ai un peu craqué sur la fin de ce billet.

Mais l’idée de libérer les animaux des zoos, de les remplacer par les membres d’une espèce bien sauvage, et de les observer comme on le fait avec des animaux en voie d’extinction permet à mon sourire d’être presque sincère quand je réponds « bonjour » à un moustachu grincheux armé que j’aurais croisé un beau dimanche matin.

 

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