70 ans



(ce texte date du 6 mai 2023)

Tu aurais eu 70 ans aujourd'hui, Papa.

Tu étais mon conscrit.
Nous aurions dû trinquer à nos nouvelles dizaines respectives ensemble.
A défaut de pouvoir le faire physiquement, nous avons fêté cet évènement différemment.
Nous nous sommes fait un cadeau cette semaine, et nous nous sommes retrouvés pour une chouette occasion.
J’ai profité de ce déplacement professionnel au Puy-en-Velay pour me reconnecter à mes origines Haut-Ligériennes. J’ai donc loué une jolie Tiny House dans le hameau voisin de celui où se trouve la maison familiale, celle de tes grands-parents.
Cette maison, je n’y suis allée que 2 ou 3 fois. La dernière fois, j’avais 5 ou 6 ans. Je l’adorais. Ces pièces toutes petites, ces jolies pierres, le sourire de mon arrière-grand-mère… Je ne l’explique pas, mais cette maison, elle m’appelait.
Puis le temps a passé, et les secrets de famille qui éloignent parents et enfants ont fait disparaître les occasions de revenir dans cette petite maison. Je l’ai oubliée.
Je ne savais plus qui l’habitait, si elle était encore dans la famille. J’avais de vagues nouvelles sporadiques des membres de cette lignée, mais sans y prêter attention.
Tu es mort il y a presque 3 ans. Ta maman a suivi peu de temps après. Le temps a passé.
Et cette occasion de revenir s’est pointée.
Je n’ai pas réfléchi longtemps sur ce hasard du calendrier qui n’en était pas un.
Je suis restée 3 soirs.
Ce n’est que le dernier soir de mon séjour que j’ai laissé mon instinct me guider. J’ai programmé mon GPS pour parvenir au hameau. Je ne connaissais pas l’adresse de la maison, je n’en avais que des souvenirs à travers mes yeux d’enfants.
En arrivant j’ai constaté de nombreuses maisons neuves. Je ne reconnaissais rien. De toute façon, à 5 ans, se rappelle-t-on réellement des trajets ?
Je laisse mes mains diriger le volant, je ne ressens rien.
Je prends alors cette route qui grimpe. Je ressens une chaleur monter en moi. Je regarde à gauche, ce n’est pas cette maison. Je m’éloigne. La chaleur également. Je dois faire demi-tour, je le sens.
Et je repasse dans l’autre sens. La chaleur revient. Je m’arrête. Je tourne la tête. Et je la reconnais.
La petite maison en pierres, exactement comme dans mes souvenirs.
Je suis émue. Mais je ne veux pas déranger les actuels propriétaires. Je fais vite une photo, pour moi.
Et je m’en vais lentement.
C’est là, que, en passant devant l’entrée de la maison, j’aperçois cette dame qui sort.
Cette belle dame âgée.
Sur le coup, je ne la reconnais pas.
Par correction, je décide de m’arrêter pour expliquer pourquoi je prenais sa si jolie maison en photo.
Je sors de la voiture.
Elle me sourit, et je la reconnais immédiatement.
Ta tante. La sœur de ton papa.
Un ange est passé, certainement toi, quand je me suis présentée…
Un moment d’émotion indescriptible.
L’heure qui a suivi était hors du temps : pénétrer à nouveaux ces murs, ressentir ces odeurs…
Je me suis revue jouer dans la cour, devant mon arrière-grand-mère sur son carreau, en train de faire sa dentelle du jour.
Et faire le lien avec aujourd’hui, la réalité de 2023, avec cette grande-tante de 92 ans qui semble-t-il me ressemble beaucoup, et parler d’un futur dans cette maison.
Merci papa, quel bel anniversaire encore !

Crédit photo : Anthony Coppa

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