Alchimiste sociale
Petite, je ne supportais pas les conflits. Contre moi, ou
entre les gens.
Je ne comprenais pas.
En grandissant, je suis devenue celle qu’on venait voir pour
régler les disputes, pour trouver un terrain d’entente. Je m’entendais bien
avec tout le monde. Pour moi, c’était normal, c’était comme ça que je voulais
que le monde soit. J’étais devenue la pacificatrice. Mais je ne m’assumais pas
dans ce rôle-là. Quand au lycée on m’a élue déléguée sans que je ne me sois
présentée, je n’ai pas compris.
Devenue adulte, je me suis retranchée, j’ai caché cette part
de moi pendant des années, dans mon train-train quotidien, en essayant de survivre
dans un système plein de codes, de règles à suivre. Je les suivais, je ne
cherchais plus à comprendre.
Divorcée, je venais de faire sauter les premières barrières.
Je suis passée d’un extrême à l’autre. Du pas assez au trop. La toute-puissance
libératrice que j’avais ressentie s’est transformée en ogive nucléaire. Je me
suis mise en action, en pro-action, en sur-action. La petite fille en moi qui rêvait
de paix entre les humains s’est alors prise pour wonder-woman. Reprises d’études,
promotion de la démocratie citoyenne, politique au niveau national, militante
associative… J’étais partout où je pouvais prôner ma vision du monde idéal,
celui où enfin nous pourrions tous vivre ensemble sans écraser les autres. J’y
allais frontalement, je voulais que chacun reprenne son propre pouvoir. Mais ça
ne marchait pas. Et à nouveau, je ne comprenais pas.
Puis mon propre parcours alchimique a débuté.
Je n’ai alors pas eu d’autre choix que de me couper de cet
extérieur que je ne comprenais plus, celui que j’avais pourtant cherché à aider
toute ma vie.
On m’a imposé de me comprendre moi avant toute autre chose.
Tout y est passé – et y passe encore - : les liens familiaux, le rapport
au corps, la science, la dissociation entre l’image qu’on renvoie et ce que
nous sommes vraiment, les relations affectives, les règles sociétales, les
enjeux politiques, le rôle éducatif des uns envers les autres, le Vivant, le
rapport au temps…
Il a fallu que je m’alchimise moi d’abord.
Et j’ai commencé à comprendre.
J’ai mis un moment avant d’utiliser ce terme qui résonne en moi depuis
longtemps.
Pour le Larousse, l’alchimie est l’« art de purifier l'impur en imitant et
en accélérant les opérations de la nature afin de parfaire la matière ».
Il ajoute qu’il s’agit également de la « transformation
de la réalité banale en une fiction poétique, miraculeuse »
L’alchimie, à mes yeux, c’est trouver la combinaison
parfaite des éléments pour en dégager un équilibre stable.
C’est la définition que je choisis de donner à ce mot.
Ce que le Larousse définit comme impur, je le vois comme les
conditionnements sociétaux et personnels. Nos propres croyances et limites,
extérieures à nous.
Ce qu’il entend comme miracle, je le perçois simplement comme la prise de
conscience de notre essence véritable, le trésor qu’est chaque être humain de
cette planète.
Aujourd’hui, je me comprends, je m’équilibre.
Et c’est ce qui me permet enfin de comprendre les autres.
Entendre leur propre monde.
Je ne cherche plus à accélérer le processus, je ne cherche
plus à forcer le dialogue, je ne cherche plus à pousser les gens à agir.
Parce que ce n’est pas mon rôle.
Mon propre trésor, c’est simplement d’avoir enfin compris.
Mon rôle, c’est de partager ce que j’ai compris à ceux qui le souhaitent.
Mon job, c’est de laisser l’alchimie opérer entre les personnes qui sont
prêtes.
Mon travail, c’est d’aller là où l’on me demande pour diffuser les pratiques,
les clés, les outils pour que chaque trésor soit révélé.
Mon boulot, c’est d’utiliser le système en place pour le transmuter de l’intérieur,
par les personnes elles-mêmes, pour qu’il évolue à l’image du monde qu’elles
veulent créer.
Je suis une alchimiste sociale.
Vous êtes votre propre alchimiste.
Je ne suis qu’un miroir de qui vous êtes réellement.
Nous sommes tous des miroirs les uns pour les autres.
« Lorsque nous cherchons à être meilleurs que nous ne le
sommes, tout devient meilleur aussi autour de nous. » L’alchimiste, Paulo
Coelho
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