Enjoy your friends...

 C’est l’histoire de six jeunes filles - enfin, jeunes, environ 20 ans et 180 mois, quoi – qui partirent passer un week-end à Amsterdam.

Ces jeunes-filles-pas-si-jeunes avaient fait leurs études ensemble et rêvaient de retrouver les émotions et les frissons de leur vie estudiantine antérieure.

Il faut dire qu’elles en avaient partagé des moments…
De ceux qui permettent d’alimenter une compétition d’anecdotes WTF en soirée.
Ou de ceux qui savent faire remonter des larmes devant l’intensité du souvenir.

[ L’autrice passe volontairement sur les instants non glorieux de soirées un peu trop alcoolisées, mais si tu as eu 20 ans, toi-même tu sais ]

Une annonce de demande en mariage inattendue un vendredi matin en cours de linguistique.
Un sauvetage d’une membre du squad après qu’elle a réussi à garer son paquebot de voiture à la verticale avenue Berthelot.
Une traversée de la rue de la Guillotière pour une pauvre future mariée grimée en mama africaine.
Une séance photo en cellule de dégrisement dans un commissariat de police suivie d’une autre séance photo avec les locataires de la caserne de pompier voisine.

Ces plus-tout-à-fait-jeunes-filles avaient donc réussi à coordonner leurs agendas respectifs pour se retrouver de nouveau jeunes filles le temps d’un week-end.

Avec quelques ajustements.
Point d’auberge de jeunesse, mais une coquette maison dans le centre-ville.
Pas de piquette à l’apéro, mais une bonne cuvée importée.
Et si certaines des anciennes-jeunes-filles-devenues-mères avaient laissé leur progéniture en France, deux avaient décidé de venir avec, bien au chaud dans leurs utérus.

[L’autrice souhaite rassurer le lecteur : le revival vie d’étudiante a été assuré par le partage des lits.
On est punk ou on l’est pas. Et on n’est pas Cresus non plus, faut pas déconner]

C’est pourquoi le soir des retrouvailles, hors de question de se sustenter d’un banal sandwich, c’est dans un coquet restaurant asiatique que ces ex-demoiselles débutèrent les festivités. Non sans s’être auparavant ouvert l’appétit et ôté toute censure verbale dans le coffee shop attenant.

Dans ce petit restaurant plutôt chic, une dizaine de tables, toutes occupées. Cela parlait plusieurs langues. Seule la table ronde au centre de l’espace laissait entendre une conversation animée en français.
Animée de propos que seules 6 femmes qui ne s’étaient pas vues depuis si longtemps toutes ensemble, qui avaient vidé un nombre de verre indécent et fumé ce que les Pays-Bas savent offrir, pouvaient tenir.
Ce soir-là, le thème choisi fut manifestement et majoritairement « 50 nuances de Grey est à classer dans la bibliothèque verte ».

Pendant plus de 2 heures, ce petit restaurant résonna de confidences à faire rougir Brigitte (Lahaye, pas Macron) et d’éclats de rire à vous faire trembler les murs.
Les 6 filles-qui-se-pensaient-encore-jeunes étaient dans leur bulle, se sentant protégées par la barrière de la langue.

Les jeunes-filles-plus-si-fraîches s’apprêtèrent à commander le dessert quand le serveur apporta directement 6 assiettes à leur table.
Etonnées, elles baragouinèrent comme leurs capacités du moment leur permettaient, qu’elles n’avaient pas encore commandé de desserts.
Le serveur répondit alors dans un anglais parfait que les plus-jeunes-filles-du-tout arrivèrent à comprendre que ces 6 desserts -les plus chers de la carte- avaient été offerts par un client du restaurant.
Et que d’ailleurs, il ne s’était pas contenté de payer les desserts, mais toute l’addition de la tablée.

Devant l’incrédulité des 6 clientes devant lui, le serveur expliqua alors qu’il pensait que les 6 plus-femmes-que-jeunes-filles-finalement connaissaient leur bienfaiteur.

Bienfaiteur qui avait quitté les lieux.

Bienfaiteur qui avait laissé une carte.

Bienfaiteur qui avait seulement écrit au dos de la carte du restaurant : « Enjoy your friends ».

Ni nom, ni numéro de téléphone.

Cet homme avait passé la soirée à sourire, écouter, ressentir, toute la joie qui se dégageait de ces retrouvailles. Il avait exprimé toute sa gratitude par un acte complètement désintéressé. Il avait permis à 6 femmes de reprendre foi en la gente masculine. [ et de dépenser l’argent économisé dans une sortie mémorable dans un bar qu’elles ont quitté en courant après avoir fait croire à l’une d’entre elles qu’elles n’avaient pas payé les consommations, – je sais plus si on t’a dit la vérité depuis, Laure ? ^^ -  suivie d’une sortie en boîte dans une église où il y avait une soirée tapis rouge je sais plus quoi]

Il n’aura jamais de nom, il n’aura jamais de visage, mais il aura laissé une trace, un mantra, qui orne depuis plusieurs années la maison d’une des 6 filles-redevenue-jeune.

Et qui continue à enjoyer ses friends.





Commentaires

  1. Quel plaisir de lire ces lignes et de se remémorer ce moment, ces moments...
    Oh oui ce soir-là et bien d'autres, nous avons respecté ce joyeux dicton "Enjoy your Friends"
    Je me questionne toujours sur ce bienfaiteur et surtout, sur sa "solitude" pour avoir écrit ces mots-là... J'aurais tellement aimé qu'il se manifeste ! Mais en même temps, c'est par ce mystère que cet instant a conservé sa magie 🌟
    Merci Aurélie pour ce texte, merci d'avoir retrouvé ces détails pour nous ne plus jamais les oublier,
    Bon pas merci par contre pour les rappels à nos âges, car depuis nous avons encore gagné un peu (si peu !) en ... expérience !!! Et j'espère que nous arriverons à nous créer encore de bien beaux souvenirs, j'y crois !!!
    Comme quoi ces années d'études pas toujours drôles auront apporté de précieux cadeaux : VOUS !

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